Souvent, on croit avoir le contrôle de ce que l’on est, ce à quoi on aspire, et que cela serait uniquement dû à notre comportement.

Pourtant, ce n’est qu’à travers les autres que nous sommes perçus et disposons du droit d’exister. Seul, l’homme est invisible et n’aboutit qu’à un « rien », si ce n’est moins, car le rien reste « quelque chose ».

Alors pour se sentir exister, nous créons de toute pièce un personnage, maquillé et que les autres d’interprètent à leur guise. Reste alors notre essence et nos traits définis par l’environnement qui nous entoure depuis notre plus jeune âge. Certains le vive avec aisance, pendant que d’autres s’en mordent les doigts.

Dans le cas de figure d’une carrière artistique, une nouvelle dimension vient s’ajouter, un calque se place devant l’être, une image accolée à un surnom qui permettra aux auditeurs de démanteler le personnage au bout de quelques écoutes. L’artiste est alors empreint à jouer un double jeu qui l’élèvera au sommet des chartes. Victime de règle des fois trop strictes, certains tombent dans le filet de la parodie grotesque, et cela à cause de nous.

Se positionner dans l’humour gentillé n’a jamais été un problème. Jamais. Mais quand Roméo Elvis, dont le père Marka est un célèbre chanteur, arrive avec ce postulat, il nous fait comprendre que d’après lui, il n’aurait pas la légitimité d’être rappeur et ne peut devenir crédible qu’en passant par cette case. Une béquille qu’il s’impose dès ses premiers projets mais qui n’aura pas eu d’impact immédiat sur sa carrière. Muni d’une voix ronronnant et d’une plume, certes un peu faible où les mots s’éparpillent parfois de droite à gauche, mais qui reste assez excentrique avec une boule de pensée qui retient notre attention.

Du coup, on entend des projets solides, un peu classique au niveau des productions, mais avec des choses à retenir. Puis cette tignasse châtaigne est attachante et commence à se livrer en balançant des confidences inattendues et dont un large public peut s’identifier. Sa collaboration avec Le Motel le place dans un univers constitué de claviers électroniques rafraîchissants et le positionne comme l’une des étoiles montantes de Bruxelles.

Alors à quel moment ça a merdé ? Il faut comprendre que cela vient, en parti, de phénomènes extérieurs. C’est-à-dire un ras-le-bol d’une scène de rappeurs « blancs », « fragile », « ne faisant pas du vrai rap », « basculant dangereusement dans la chanson Française » ou quelconques raccourcis grossiers déclarer, pour la plupart du temps, par une groupe de personnes n’assumant pas d’être eux-mêmes le reflet de nombreux de ces artistes, humainement parlant. Un boycotte involontaire se crée avec de nombreux débats sur internet.

Une case est dessinée pour Roméo. Les gens sont rassurés, ils savent où le ranger. Parce que finalement, c’est humain. Nous avons besoin de repères. Sauf que, là où il a fauté, c’est de s’être laissé emporter dans la torpille. Pas étonnant en vu de son entourage actuel constitué de personnalités médiatisées eux-mêmes en prise avec ce dilemme entre plaire à ce cercle restreint de puriste ou une foule plus grande aux goûts plus « pop ». Le problème est qu’Elvis a posé pied à terre sur la ligne bien distincte de l’entre-deux. Tantôt défenseur de la cause « hip hop » comme avec sa parodie de plateau télévisé dénonçant les présentateurs et leurs a priori sur le genre, tantôt on le voit apparaître dans ces scènes de théâtre identiques où se joue le même jeu. Alors on ne sait plus.

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C’est durant cette période trouble que sort Chocolat, son premier album qui suscitait une grande attente, du moins lors de son annonce il y a de cela environ 2 ans. Les mois passent et ses fans commencent à douter. Un doute qui, en premier lieu, n’était pas fondé sur sa musique mais sur son image à travers les réseaux. Ce qui ressort le plus est la prétention, sur ses avis bien tranchés qu’il peut balancer. Un autre problème est la justification à outrance. Par exemple, quand le titre Malade sort, il se filme sur Instagram en imitant les critiques multiples disant « il copie Lomepal ! », « On voit qu’il veut passer en radio » ect.

Et c’est en faisant cela qu’il s’auto-détruit. En voulant contrecarrer toutes les réactions. Et même en distillant le propos avec une touche d’humour, il nous expose un homme susceptible. On devrait tous le savoir à un certain âge, plus l’on se sent touché, plus les gens ont envies d’en remettre une couche. Depuis le début, il aurait du nier, devenir un jolie bâtard qui ne se laisse pas démolir par ces avis qui n’effritent en aucun cas ses chiffres de ventes. Car finalement, il ne fait que renforcer les craintes des auditeurs qui auraient pu accepter ce nouveau parti pris plus « rock » sans trop broncher. Tout n’était qu’une question de temps.

A l’écoute de ce projet, Roméo ne fais que plonger à grande enjambée dans la fosse aux lions. Le morceau intitulé sobrement Intro est le cas de figure le plus probant, et cela dès la premier ligne « Je t’ai fait de la peine quand j’ai changé de style, alors tu m’as détesté ». Il braque un pistolet sur sa propre tempe.  Et tout du long, nous sommes face à une plaidoirie navrante dictant des événements inintéressants, anecdotiques, n’ayant rien de touchants. Lorsque résonne les claviers du titre éponyme qui suit, il est désolant de constater une victimisation déguisée par un humour grinçant « Et j’étais vraiment nul et j’pensais qu’j’étais cool, parce que j’avais un zippo et un iTouch ». On comprend qu’il veut est franc, en disant qu’il ne peut plus être lui-même dans cette industrie, mais c’est maladroit, sans subtilité, puis déjà vu.

Les lettres Bobo apparaissent sous mes yeux, j’ai peur. Il recommence à assumer sans vraiment l’admettre qu’il est ce cliché. Mais qu’il lâche ce terme sans queue ni tête ! Cela ne l’embelli pas. Il rentre dans la bêtise humaine du jugement trop peu réfléchi, sans nuances. Blanc, classe aisée, style streetwear, tige au bec et BIM ! Le voilà devenu un personnage dénaturé, résumé par des propos obsolètes. Qu’il ne s’enfonce pas dans ce moule, qu’il laisse cette pensée n’en resté qu’une. Qu’il ne la matérialise pas dans son art et la rende encore plus visible.

Sur le plan de la politique, ça sent l’arnaque. Dans La Belgique Afrique, il nous cite des faits évidents, qui ne marquent pas. Aucune Punchline, j’ai l’impression d’entendre un énième mec à la buvette qui débite des discours exemplaires. Et ce n’est pas en parlant plus fort que ces énonciations deviennent plus pertinentes. Dans Cœur des hommes, quand le sample d’un speech de Nadine Morano apparaît, ça parait surréaliste, la phrase est plus un meme qu’autre chose, ses phrases sont galvaudées, frisent le ridicule. Une leçon à retenir de ce carnage : il devrait prendre exemple sur ses potes de L’or Du Commun qui savent être pertinents en s’arrêtant aux notions qu’ils maîtrisent.

Je vous assure que je ne détestais pas Malade, et que Normal est un très bon titre introspectif avec une production violente qui colle aux propos. Et que je n’avais pas peur de voir –M- en collaboration, où bien Damon Alban, que j’affectionne tout particulièrement (qui sont d’ailleurs les meilleurs morceaux au passage). Mais force de constater que le produit à mauvais goût. Je n’ai pas abordé chaque piste, certes, mais c’est parce qu’elles sont tous simplement oubliables. T’es bonne frôle la parodie, 3 étoiles ne veut pas dire grand-chose, juste ici pour se calibré comme Banger dans les festivals. En silence aurait pu être puissant, avec ce thème sur la mort de son pote, mais les paroles sont maladroite.

Même les instrumentales, pourtant exécutées par de grands noms, laissent vraiment à désirer. Il suffit de voir Soleil, l’un des titres guitares/batteries latinos le plus dégueulasse que j’ai pu entendre parmi la ribambelle de rappeurs tombant dans cette facilité (attention des fois c’est très bien exécuté !).

Le peu de chose qu’il pouvait nous raconter apparaît déjà dans Morale 2. L’acouphène, sa petite meuf, son ancien boulot de caissier, sa famille célèbre, ses fringues Lacoste. On a déjà tout entendu, et il ne fait que remâcher quelques lignes qu’il distille pour former un texte sans technique, sans Punchlines ou sans réelles émotions. Cela sort de sa propre bouche : « Et j’ai mis toute ma life dans l’bum-al, j’me d’mande c’que j’vais pouvoir raconter dans l’prochain. ». Et s’il est capable de dire ça, c’est peut-être parce que dans celui-là non plus il n’y a rien à en tirer.

Chocolat, disponible sur toutes les plateformes!

 

Adepte des métaphores plus étranges les unes que les autres, j’aime exposer les artistes tels des entités nous aidant à comprendre notre vie sur terre. Toujours à la recherche du bon et du mauvais goût, je suis ici pour vous rappeler à quel point le hip hop regorge d’une deuxième lecture parfois insoupçonnée.